Dans la continuité du parcours en cohorte « Territoires pilotes » saison 1 (2021-2022), la Fabrique des transitions poursuit son accompagnement de neuf territoires pilotes à l’échelle nationale, de différentes tailles et orientations politiques, dans la définition et la mise en œuvre de leur projet de transition.
En plus d’animer des temps de qualification des projets pilotes de chacun des territoires et de superviser leur mise en oeuvre appuyée par des alliés, la Fabrique des transitions organise des sessions collectives de travail dédiées aux retours d’expériences des collectivités participantes sur la manière dont elles conduisent le changement et leurs avancées depuis la première saison.
Comment est née l’idée de la boussole ?
Dès 2020, l’Agglomération du Beauvaisis s’est mobilisée pour mettre la transition écologique au cœur de ses démarches.
À la suite d’un partenariat avec l’ANCT (“Fabriques prospectives”), le diagnostic de la Fabrique des transitions a pointé des failles en termes de coopération interne (manque de temps, maîtrise du mode projet…). Le diagnostic était partagé par la présidente, tout comme la volonté de travailler pour faire progresser la coopération dans le cadre des marchés publics et au-delà.
Depuis 2022, pour mettre en œuvre les recommandations du diagnostic de la Fabrique des transitions, les alliés Skopeon (Claire Dellatolas) et Colab Studio (Jean Benhedi) accompagnent l’Agglomération du Beauvaisis. Plus de 40 élus et agents de la collectivité sont mobilisés pour penser une boussole de la coopération : lors d’ateliers dédiés, de réunions de direction générale élargies, puis avec des chargés de missions travaillant sur des projets majeurs (requalification du cœur de ville, centre technique municipal…) et transverses, potentiellement confrontés à ces problématiques.
La force de cette démarche, c’est que la boussole a été réellement co-construite au fur et à mesure avec l’aide des alliés de la Fabrique des transitions et des services, dans une logique “essais-erreurs”, en partant avant-tout des besoins des élus et des agents.
On était dans un mécanisme d’itération autour de la démarche outillée, avec beaucoup d’écoute et de confiance, qui a permis d’avancer, d’élargir. On a trouvé le bon réglage. — Claire Dellatolas
Les objectifs de la boussole
Cette démarche outillée contribue à la conception des projets par les services et participe à l’aide à la décision des élu.e.s, en rassemblant une multitude de personnes de la collectivité, de différents horizons, pour construire un argumentaire commun.
Il permet d’établir différents curseurs en fonction des besoins de chacune des parties prenantes, et de mieux arbitrer collectivement. La boussole est plus qu’un outil d’aide à la décision : c’est un levier pour favoriser la coopération en faisant émerger une vision commune du développement durable et aider les porteurs de projets à aller chercher toutes les parties prenantes. La boussole de la coopération vise à dépasser les silos, à favoriser la transversalité, le travail collaboratif et collectif, mais aussi à créer de la valeur et à donner le goût de travailler ensemble.
L’usage de l’outil lui-même est interne, mais la démarche encourage les porteurs de projet à aller chercher une vision des besoins et contraintes, y compris à travers des échanges avec les parties prenantes externes.
Le point de départ c’est de créer un espace de dialogue et de revenir au pourquoi de notre action, de questionner le besoin, le service rendu, le périmètre de consultation, et d’inciter les agents à prendre du recul. — Abigaïl Tijeras, Chargée de mission accompagnement aux transitions.
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L’intérêt est de construire un argumentaire plus robuste pour justifier des choix en commissions. On qualifie plus précisément les scénarios envisagés au regard du développement durable et les scénarios alternatifs sont plus facilement entendus.
La démarche vient aussi générer de la confiance auprès des collègues : cela permet de transformer une posture collective en une forme de confiance. Nous aurons peut-être atteint un changement de paradigme qui sera ancré dans les habitudes ! Le processus d’élaboration de l’outil produit déjà 50% du résultat : à condition que l’outil ne soit pas trop lourd.
Mode d’emploiIl est demandé aux agents et aux élus de se poser les questions qui reviennent le plus quand ils veulent intégrer le développement durable : comment arbitrer / prioriser / faire moins et mieux / travailler en transversalité et dépasser les silos / partager une vision commune du territoire / fédérer / ne pas opposer le développement durable au reste ?
Quatre principes clés ont été pensés pour guider le choix :
- L’action de la collectivité doit être guidée par les besoins des parties prenantes (qu'elles soient humaines, animales, végétales ou inertes).
- Il y a différentes manières de couvrir un besoin. Pour se donner des marges de manœuvres il est intéressant de chercher à qualifier le “juste nécessaire” pour chacun des besoins.
- Trouver le “juste nécessaire” suppose une co-construction permanente : celui-ci va émerger petit à petit.
- Intégrer le développement durable consiste à chercher à couvrir au mieux l’ensemble des besoins de manière globale.
La question du « juste nécessaire » est une façon de cadrer les besoins, à partir d’une co-construction avec les parties prenantes. Par exemple, une cartographie des parties prenantes et une quarantaine de besoins pour les différents intercalaires de l’agglomération sont exprimés, puis classifiés selon une typologie créée pour l’occasion entre les différentes catégories.
Gérer mon projet
La partie « gérer mon projet » propose une méthode et des outils de gestion de projet, qui guideront le porteur de projet tout au long de celui-ci.
En interrogeant tout au long du projet sa pertinence pour le territoire et sa faisabilité, et en enrichissant à chacune des étapes la fiche projet, une culture de gestion de projet partagée par tous les services est favorisée.
Les parties 1, 2 et 3 sont des appuis « boussole » possibles à utiliser à certaines étapes clés du projet.
Identifier les parties prenantes
Quel que soit le projet et son niveau d’avancement, les parties prenantes concernées sont souvent rapidement identifiées, mais il est rare que cette liste soit formalisée ou cartographiée. Elle sera pourtant très utile tout au long du projet. Par ailleurs, y avez-vous intégré l’environnement comme une partie prenante en tant que telle ? Des outils vous aideront ici à formaliser cette liste de parties prenantes, et certainement à en identifier de nouveaux.
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Elaborer une vision globale des besoins
Une fois l’ensemble des parties prenantes identifiées, il est temps de s’intéresser à leurs besoins. Cette fois encore, il n’est pas rare d’en avoir identifié une partie au travers d’entretiens, ou simplement selon votre degré de connaissance des acteurs. Les outils de la boussole aideront ici à aller plus loin dans l’identification de ces besoins, et dans leur formalisation qui permettra à l’équipe projet d’en avoir une vision globale. Elle sera très utile pour vous orienter par la suite !
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S’orienter et arbitrer collectivement
Cette étape aidera à proposer les scénarios qui répondent au mieux à l’ensemble des besoins identifiés, en se posant la question « jusqu’où va-t-on dans la réponse à *tel* besoin ? ». Il s’agira ici de régler les curseurs pour répondre au maximum de besoins sans compromettre le respect des autres. Cette méthode présente l’avantage (1) d’éviter de passer à côté de certains sujets clés qui pourraient faire perdre beaucoup de temps par la suite; (2) de focaliser les débats avec les décideurs sur les points clés du projet, afin d’arbitrer en toute connaissance de cause, rendant ces arbitrages plus robustes.
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Un outil au service d'espaces d'écoute
Pour conclure, la boussole n’est donc pas qu’un outil : c’est aussi l’occasion de créer des espaces d’écoute des agents des différents services, grâce notamment aux permanences, animées par Abigaïl Tijeras, qui permettent de sensibiliser à l’outil et de répondre aux questions.
Les agents se sentent écoutés, ils ont retrouvé du sens, ils ont un espace où ils peuvent exprimer leurs problématiques. La permanence les aide à retrouver un sens au projet et de pourquoi ils le font. — Abigaïl Tijeras, Chargée de mission accompagnement aux transitions.
La permanence se constitue également en espace de professionnalisation, avec des apports de compétences et de l’accompagnement sur mesure.. C’est un espace libre, d’écoute, de reprise de confiance, qui tient également aux capacités de bienveillance et d’accompagnement de l’animatrice : les personnes et leurs savoir-faire humains sont clés dans la coopération ! Enfin, la boussole se veut être un levier de transmission et de capitalisation qui dépasse et transcende les mandats !
La boussole aide énormément pour qualifier les besoins et ça a été partagé par les élus et les agents : ça transcende le mandat. Les agents et élus ont besoin de ce cadre initial que permet la boussole : besoins de viabilité économique, environnementale, végétale, de qualité de vie au travail, et de fierté ! — Guillaume Sergent, Directeur des transitions et de la santé.
Les enseignements
Ce que la boussole a permis
- Prendre du recul et de se poser la question du service rendu par la collectivité au territoire. Sortir du technique pour parler d’éléments plus immatériels comme la fierté par exemple.
- Partir des besoins permet d’articuler conjointement le “budget” et le “développement durable”.
Les enseignements à transmettre à d’autres territoires
- Inclure dès le début des élus référents dans la démarche pour arriver à mobiliser les services.Convaincre qu’il est temps d’appliquer le principe « mieux vaut prévenir que guérir ».
- L’expérience nous montre que ce n’est pas du temps perdu, mais du temps investi qui facilite la coopération sur le temps long et permet de sécuriser l’aide à la décision.
- De manière générale, on constate que le processus est aussi important que la décision finale. La transparence et l’implication des parties prenantes est essentielle pour se faire !Tout nouvel outil et démarche doit s’ancrer dans un processus déjà en place en se positionnant comme un outil du mode projet et pas comme quelque chose qui vient encore s'ajouter aux projets existants.
Si c’était à refaire…
- Il faudrait encore mieux mobiliser les élus.
- Être plus subtils dans la manière d’amener le projet : il ne faut pas parler que de méthodologie.
- Il est préférable de partir des envies et des besoins : c’est instinctif mais c’est fondamental pour mobiliser davantage.
- Il faut toujours partir du terrain.
- S’assurer du portage des directeurs généraux !