Économie de montagne et risques climatiques : quelles stratégies d’adaptation ?

  • La Fabrique des Transitions

Présentation

Répondant à l’invitation de Luc Bidard, de la Région Occitanie, la Fabrique des transitions, représentée par Benoît Nenert, a participé le jeudi 19 juin à une table ronde à Bagnères de Bigorre sur la diversification touristique des territoires de montagne, animée par Joël Maitia, de l’Agence des Pyrénées, et Thomas Bunel, du Commissariat de Massif, durant le forum transfrontalier « Pyrénées en Transition », organisé par la Région Occitanie et Observatoire Pyrénéen du changement climatique.

Organisé dans le cadre du projet LIFE « Pyrenee4Clima », ce forum a rassemblé plus de 200 scientifiques et acteurs du territoire. Ils ont échangé pendant 3 jours sur l’évolution de la cryosphère des Pyrénées et son impact sur l’approvisionnement en eau, sur l’impact du réchauffement climatique sur la biodiversité et sur l’économie de montagne.

Benoît Nenert est intervenu en tant que grand témoin pour mettre en perspective les échanges de la table ronde, en les croisant avec les expériences de la Fabrique des transitions menées dans les territoires de montagne depuis près de quatre ans.

Le sujet de la diversification touristique des territoires de montagne n’est pas nouveau. Comment mieux répartir la fréquentation touristique tout au long de l’année, comment s’adapter à l’inévitable déclin du tourisme de neige, comment tenir compte des nouveaux modes de fréquentation apparus depuis le Covid, comment faire face aux controverses et conflits que tout cela ne manque pas de générer ? Autant de questions pour lesquelles il n’existe pas de réponse facile ni de recette miracle.

Pourtant, on voit apparaitre dans les différents massifs des expériences et des initiatives qui illustrent chacune à leur façon un début de transformation de ces territoires.

Ces transformations sont de natures et d’échelle diverses, comme l’ont parfaitement illustré les différents intervenants : chacun à leur niveau les acteurs tentent d’impulser des dynamiques.

La diversité de la table ronde a parfaitement illustré les tendances que nous avons pu observer au travers de nos accompagnements et projets : des acteurs établis, à l’échelle d’un pays (comme Andorre) ou d’un site majeur très réputé (comme le Pic du Midi) mettent en œuvre des stratégies visant plutôt à assurer le maintien de leur modèle, souvent par de nouvelles infrastructures et des innovations technologiques. D’autres acteurs, issus du monde citoyen, associatif, ou de petite commune, tentent d’innover, et de survivre avec les moyens du bord, en expérimentant de nouveaux modèles (site de Payolle, collectif La Baleine Blanche).

Les interventions ont aussi fait écho à des sujets que nous avons rencontrés dans d’autres territoires et qui ne sont pas assez anticipés, comme la question du morcellement du foncier, des origines de propriété, et des conflits que cela induit. Les interventions viennent également confirmer le fait que cette question du conflit en général est trop souvent subie, vécue comme un problème à éviter, un échec, alors qu’au contraire cela peut aussi être un levier à condition de l’accepter et de disposer des compétences et méthodologies permettant de l’instruire utilement.

À la Fabrique des transitions, nous pensons que la question de l’avenir des territoires de montagne n’est pas d’opposer les uns aux autres mais de comment mieux soutenir l’émergence et le maintien dans la durée de ces nombreux petits projets porteurs de promesses pour le futur. Car l’enjeu va bien au-delà de celui des stations des ski et de la diversification touristique. Nous croyons que l’Etat, les collectivités territoriales et les gros acteurs économiques doivent accentuer significativement les moyens financiers et en ingénierie pour soutenir les expérimentations de modèles touristiques qui génèrent des revenus, en gardant la valeur en local, et permettent de recréer du vivre ensemble, de la solidarité, de la robustesse, dans le respect des neuf limites planétaires. Cela passe par des innovations autour de nouveaux usages, de nouveaux contrats, produisant des bénéfices sociaux et environnementaux et basés sur la sobriété.

À l’échelle des Pyrénées, si on considère uniquement la question de l’eau par exemple, on estime que le débit d’étiage de la Garonne sera réduit de moitié d’ici 2050 ? Dès lors comment assurer correctement l’accueil de visiteurs (et de nouveaux habitants, + 1M en 2050 d’après les estimations actuelles) ? Comment satisfaire les attentes des visiteurs en période estivale alors que les baignades dans les lacs d’altitude doivent être interdites et que de nombreux refuges ne sont plus alimentés en eau dès le milieu de l’été ?

Si on veut que la diversification touristique ait un sens, il faut réévaluer la notion d’attractivité et la repenser dans un cadre de redirection écologique de l’économie dans son ensemble.

Il y a besoin d’une approche structurée qui part des besoins des habitants (boire, manger, se loger, se soigner, s’éduquer, se rencontrer) : pour cela, le focus doit porter sur l’adaptation transformationnelle, et pas sur l’adaptation incrémentale, qui ne fait que maintenir le plus longtemps possible le système en place par des petits ajustements successifs.Sinon l’adaptation sera subie, avec tout ce que cela peut avoir comme conséquences brutales, à l’instar de ce qui se passe déjà pour de plus en plus de petites et moyennes stations de ski qui doivent fermer du jour au lendemain.

Date : 19 juin 2025