L'autre versant des transitions des territoires de montagne : le PETR Pays de Sarrebourg

Au-delà du ski, quels sont les modèles de transition que les territoires de montagne mettent en œuvre ? Quels bouleversements et reconfigurations cela induit-il ?

Cette série d’articles propose de revenir sur l’accompagnement de neuf territoires pilotes par la Fabrique des transitions, dans le cadre du programme Avenir Montagnes Ingénierie (2022-2024) porté par l’ANCT sur les enjeux de transition des territoires de montagne.

À travers un parcours collectif, l’accompagnement vise à favoriser l’émergence de dynamiques de transition multi-acteurs en mobilisant quatre “Fantastiques” par territoire (un élu, un agent de collectivité, un agent de l’Etat et un acteur socio-économique) et en alliant apports de connaissance, diagnostic sensible, échanges entre pairs et aide au cadrage et à l’initialisation d’un projet pilote.

"On sent cette fierté et cette envie de construire quelque chose"

Le territoire du PETR Pays de Sarrebourg réunit les deux communautés de communes de Sarrebourg Moselle Sud et du Pays de Phalsbourg. Il dénombre 27 communes, situées entre 300 et 1000 mètres d’altitude environ dans le massif Vosgien, depuis la plaine et le canal de la Marne au Rhin jusqu’aux sommets du Donon.

Il est reconnu Réserve de biosphère UNESCO depuis 2021 et doit faire face à de multiples enjeux : une baisse démographique, des ressources en eau fragiles, des inquiétudes sur la forêt d’épicéas qui souffre fortement du manque d’eau et des scolytes en raison du changement climatique, des mobilités et accès aux services contraints.

Là où la plupart des territoires de montagne ont pour ambition de sortir du « tout touristique », un des enjeux pour le PETR sera de ne pas tomber dans cette impasse et de maîtriser son développement touristique.

Dans ce cadre, le PETR a choisi comme projet pilote la valorisation de l’identité et des patrimoines matériels et immatériels du territoire, ainsi que la création de nouveaux services avec la restructuration de l’offre touristique des sentiers de randonnée autour du GR5 et de ses variantes, qui prend le nom emblématique local de « GR de Pays Erckmann-Chatrian ». Ce projet est considéré comme l’un des socles de la dynamique d’écotourisme et de transition écologique du massif forestier.

Comme ce fut le cas pour la plupart des autres territoires, la démarche proposée par la Fabrique des transitions n’a pas laissé indifférent et a bousculé les participants.

“C’est une démarche qui interpelle car c’est une démarche à laquelle les collectivités, les acteurs ne sont pas habitués. C’est une nouvelle méthode, peut-être que cela vient des outils pédagogiques… Mais les acteurs se sont appropriés les contenus. Et après quelques mois, on peut dire que c’est une réussite.” — Catherine Gosse, Directrice du PETR.

“Au tout début, cette ‘Fabrique des transitions’, c’était une nébuleuse. Les toutes premières visio, c’était très compliqué de s’identifier, de comprendre quel était le but. Cela dit, la méthodologie mise à disposition nous a éclairés, nous a permis de nous découvrir.” — Christian Fries, Vice-Président de la Communauté de Communes du Pays de Phalsbourg, maire de Garrebourg

Les acteurs du territoire sont véritablement entrés dans un processus d’apprentissage, forcément compliqué car le chemin n’est pas connu d’avance.

“Le diagnostic, les entretiens, ça a été fondamental, révélateur de plein de choses, de non-dits, qui ont pu être pris en considération par tous les acteurs, à travers le rendu écrit. Ce n'était pas toujours une lecture plaisante mais il fallait que les uns et les autres puissent en tirer les leçons. Ça nous a permis de nous remettre en cause sur la manière de gérer les choses. Il en est ressorti des points de blocage mais que du positif parce que ça permet de progresser - et surtout une volonté de faire avancer le territoire et de fédérer autour d’un projet. Si cette méthode n’avait pas été mise en place, on n’en serait peut-être pas là aujourd’hui” — Catherine Gosse, Directrice du PETR Pays de Sarrebourg.

La démarche a permis d’enclencher une forte dynamique multi-acteurs et de fédérer les élus.

“On a mis le doigt sur quelque chose de latent sur notre territoire : l’envie de se retrouver entre élus pour avoir un projet spécifique à la montagne. Nous avons réussi à créer une Assemblée de communes, de façon assez spontanée. Les élus se retrouvent avec un grand plaisir. On a créé de l’envie et on a surtout envie que ça ne s’arrête pas.” — Camille Zieger, Président du PETR Pays de Sarrebourg.

Elle a aussi conduit les acteurs à reconfigurer leurs rôles respectifs et in fine à renforcer leur alliance.

“C’était une première de mettre le Club Vosgien et la Fédération Française de Randonnée ensemble autour de la table. Ça a permis de bien étudier le projet avant de le lancer, de tenir compte des attentes du PETR qui était quand-même le client.” — Michel Simon, Président de la section Grand-Est de la Fédération Française de Randonnée.

Le passage à l’action au travers du choix, du cadrage et de la mise en œuvre du projet pilote a permis à des acteurs qui ne travaillaient pas ensemble de se retrouver autour d’une démarche centrée sur la redécouverte et la mise en valeur de l’identité locale.

“Il est ressorti un attachement très important de chaque maire à sa commune. On s’est aperçu qu’il y avait une richesse historique, des anecdotes, une culture linguistique… Ça a été assez fort. Les maires sont très attachés à cette histoire de montagne et le partenariat avec l’Université de Lorraine a été une évidence.” — Catherine Gosse, Directrice du PETR Pays de Sarrebourg.

A l’instar d’autres territoires, le choix d’un projet pilote autour des questions d’itinérances permet assez naturellement de cheminer vers une approche systémique. En effet, cela fait le lien avec la compréhension globale du territoire, l’offre de mobilité douce, la prise en compte des enjeux liés à la biodiversité, à la gestion des flux touristiques, à la politique du Massif des Vosges, au maintien et au développement des activités existantes ou nouvelles en lien avec une perspective d’écotourisme.

“À partir du moment où on s’est dit que la randonnée était un axe fort de notre territoire, nous avons développé toute une réflexion sur la transition.”— Camille Zieger, Président du PETR Pays de Sarrebourg.

Cela a aussi permis de faire émerger ou booster d’autres projets de transition et de favoriser la prise en compte d’enjeux inter-reliés.

“Au niveau de la fédération du club vosgien, il y a le constat que notre territoire dénombre un nombre de kilomètres de sentier considérable, avec beaucoup de bénévoles. Donc ça va peut-être ouvrir un travail sur la gestion des sentiers de randonnée. Le projet du GR va peut-être permettre d’ouvrir des ateliers de travail à ce sujet au niveau de la fédération. Tous les services de proximité locaux vont être sollicités, développés. Ca va aussi permettre de sensibiliser sur les impacts du changement climatique, auxquels nous sommes tous confrontés.”— Catherine Gosse, Directrice du PETR Pays de Sarrebourg.

On retiendra, comme élément fort des impacts résultants de la démarche engagée, un dynamisme contagieux, une envie forte, et même une certaine passion, qui vont permettre d’aboutir à une belle transition.

“L'agitation que nous avons créée auprès des 27 mairies nous a conduit à rentrer à la maison avec une foultitude de projets…Au final, nous ne faisons territoire que par la réunion et la force des micro-projets. Nous avons expliqué aux maires que chaque commune du PETR porte un bout de la dynamique.” — Camille Zieger, Président du PETR Pays de Sarrebourg.