Ville de Vimy - Vertiges de Labour : mettre en récits le “monde agricole”

Vertiges de Labour (affiche), Villes de Vimy et de Loos-en-Gohelle.

  • Culture / Arts
  • Hauts-De-France

Présentation

Dans la continuité du parcours en cohorte « Territoires pilotes » saison 1 (2021-2022), la Fabrique des transitions poursuit son accompagnement de neuf territoires pilotes à l’échelle nationale, de différentes tailles et orientations politiques, dans la définition et la mise en œuvre de leur projet de transition.

En plus d’animer des temps de qualification des projets pilotes de chacun des territoires et de superviser leur mise en oeuvre appuyée par des alliés, la Fabrique des transitions organise des sessions collectives de travail dédiées aux retours d’expériences des collectivités participantes, sur la manière dont elles conduisent le changement et leurs avancées depuis la première saison.

La Ville de Vimy s’est associée à la Ville de Loos-en-Gohelle pour créer « Vertiges de Labour », un spectacle participatif mis en scène par Xavier Lacouture, qui vise à renforcer les liens entre agriculteurs et habitants et qui a donné lieu à plusieurs représentations en juin 2023.

Le spectacle fait suite au travail mené par ces deux collectivités voisines du Nord-Pas-de-Calais autour d’une cantine scolaire et des enjeux d’alimentation. Il s’inscrit aussi dans la continuité des Gohélliades, un festival de théâtre participatif organisé par Loos-en-Gohelle depuis 40 ans, qui invite les habitants à se raconter sur scène, initialement créé à la suite de la fermeture des mines de charbon dans les années 1980.

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Pour créer le spectacle, en plus d’une vingtaine d’entretiens réalisés avec des agriculteurs des deux collectivités, les villes de Vimy et de Loos-en-Gohelle se sont appuyées sur les débats, les restitutions et les compte-rendus issus du « dialogue territorial ».

Cette démarche de médiation en milieu rural, fondée sur la concertation et initiée par Loos-en-Gohelle l’année précédente, avait pour objet les enjeux d’agriculture et d’alimentation. Celle-ci a non seulement mis en exergue l’importance de mieux valoriser l’agriculture qui représente une part importante des activités du territoire, mais aussi la nécessité de renforcer les liens entre les agriculteurs et les autres habitants (par ailleurs consommateurs) pour favoriser la cohésion.

Ainsi le spectacle, qui a mobilisé 179 bénévoles parmi les habitants (dont 80 qui sont montés sur scène), participe à la « mise en récits » du territoire en prolongeant, à travers le registre culturel, la politique menée par la commune.

« Mettre en récits » c’est, au-delà du « storytelling », s’appuyer sur cinq dimensions (telles que pensées par la Fabrique des transitions) pour créer une dynamique de transition territoriale cohérente et inclusive et en apprécier les effets : mettre en trajectoire, communiquer sincèrement, faire émerger des récits alternatifs, raconter la coopération et évaluer la valeur créée (voir Les 5 Dimensions de la Mise en récits, La Fabrique des transitions, 2024).

À travers « Vertiges de Labour », la ville de Vimy identifie des liens avec au moins quatre de ces dimensions.

La mise en trajectoire

Le spectacle a mis en scène les trajectoires individuelles des agriculteurs du territoire, en s’appuyant sur un travail conséquent de collecte qui a été transmis au metteur en scène. Travailler à partir de faits réels — de leurs vies — a participé pour beaucoup au fait que les agriculteurs se sont réellement sentis parties prenantes du projet.

Par ailleurs, le spectacle a également mis en perspective les liens de la Ville de Vimy avec le monde agricole : des liens d’autant plus fort que la mine s'est ici arrêtée très tôt. Aujourd’hui, des exploitations disparaissent au fil des nouveaux lotissements qui se construisent, mais l’agriculture reste tout de même très présente dans le paysage.

Faire émerger des récits alternatifs

Le spectacle s’ouvre sur un combat de boxe, qui met en scène un affrontement entre deux types d’agriculture : celle des villes et celle des champs. À travers cette mise en scène, des choses très sérieuses ont été dites « sans se prendre au sérieux », en impactant davantage les esprits.

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D’apparence décalée, cette scène propose en réalité plusieurs niveaux de lecture pour sortir de la binarité « agriculture des villes versus agriculture des champs » et pour renforcer les liens entre agriculteurs et consommateurs. Puis l’histoire évolue pour rendre compte des débats autour de l’agriculture issus du dialogue territorial.

Raconter la coopération

Par ailleurs, le projet a permis de faire émerger des coopérations entre de nombreuses personnes — et donc récits — qu’il a fallu organiser.

Suite à un premier appel à manifestation, beaucoup de personnes se sont portées volontaires. Puis le cercle des bénévoles s’est élargi progressivement, au fur et à mesure du bouche à oreille. Un groupe s’est particulièrement investi dans la confection des cadeaux destinés au spectateurs : « plus nous avons demandé aux gens, plus ils nous ont aidés ». Un soin particulier a également été apporté aux figurants, dont beaucoup ne se sentaient pas légitimes de monter sur scène.

Le spectacle est également le fruit d’une coopération entre communes et de la mutualisation de leurs moyens : l’expérience et les compétences de Loos-en-Gohelle associées aux moyens financiers de Vimy. Aucune des deux collectivités n’aurait pu le porter sans l’autre. Depuis, la coopération entre les deux communes se poursuit, elle est devenue un réflexe pour de nombreux projets.

Cette coopération a été particulièrement appréciée par les agents des deux collectivités qui ont participé au projet. Elle a cependant été moins effective avec les autres agents et élus de la Ville de Vimy qui, notamment en raison d’une reconfiguration interne des services, ont parfois été associés tardivement ou n’étaient pas pleinement disponibles pour participer.

La réussite est autant dans tout ce qui est avant la représentation que dans la représentation. Tous ces temps de préparation ont fait bouger les lignes. Il faut accepter de se jeter à l'eau. Ça demande une prise de risque, un peu de leadership.


La communication sincère

Des dires des personnes en charge de l’organisation du projet au sein de la Ville de Vimy, il n’est pas simple de pratiquer la communication sincère, de dépasser l’affichage des réussites pour penser aussi les échecs et les enseignements qu’on peut en tirer. C’est quelque chose qui peut se faire entre collègues au sein de la collectivité, mais qui est plus difficile à partager avec le grand public.

Communiquer sur le coût du projet peut par exemple donner lieu à différentes interprétations, d’autant plus quand il n’est pas toujours simple de « quantifier » en retour l’ensemble des retombées positives qu’il a suscité.

L’évaluation sensible

« Tout ce qui compte ne se compte pas toujours mais toujours se raconte », selon l’adage de la Fabrique des transitions. Les échanges informels et une projection du spectacle dans la salle des fêtes, avec toutes les parties prenantes, a aussi fait émerger de nombreux retours, souvent positifs. Les agriculteurs ont notamment été satisfaits de la justesse avec laquelle leurs histoires et leurs difficultés respectives avaient été rendues. Les participants ont également souligné l’importance de la posture du metteur en scène, particulièrement touchante et « humaine ».

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Cette séance de visionnage a finalement été l’occasion de célébrer le travail qui a été réalisé par les bénévoles, de le visibiliser auprès des autres acteurs et de créer des nouveaux liens entre les deux communes.

Lors de la célébration avec les bénévoles, c’était du bonheur en barre de voir les gens des deux communes se côtoyer comme s’ils étaient voisins.

Désormais, les participants pensent déjà aux suites. Par exemple, organiser une nouvelle diffusion sous forme de ciné-débat à Loos-en-Gohelle pour que tout le monde puisse s’exprimer : un format qui n’a encore jamais été expérimenté.

En définitive, la collectivité ne s’était pas initialement donné pour objectif de faire de la « mise en récits ». Le but était de produire un spectacle et le chemin pour y parvenir n’était pas parfaitement balisé d’avance. Ce n’est que rétrospectivement, en constatant l’étendue des actions qui ont été mises en œuvre et la manière dont les différentes parties prenantes y ont contribué, que le qualificatif de « mise en récits » à pris tout son sens.

Les effets

  • Effets « révélateur » : prise de conscience d’enjeux insoupçonnés, notamment des réalités des agriculteurs locaux.

  • Effet « légitimité » : sentiment de légitimité accrue, de la part des agriculteurs, mais aussi des habitants bénévoles, voire des organisateurs.

  • Effet « confiance » : meilleure confiance en soi-même et dans les autres, notamment pour expérimenter de nouvelles choses (ou « encapacitation »).

  • Effet « mobilisateur » : engagement / implication / entraînement des acteurs, notamment les agriculteurs et les habitants bénévoles (moins en interne des deux collectivités).

  • Effet « d’appartenance » : sentiment d'appartenance à une dynamique, une communauté, élargie aux deux communes.

Pour aller plus loin

Date de début : 1er août 2024
Date de fin :