Au-delà du ski, quels sont les modèles de transition que les territoires de montagne mettent en œuvre ? Quels bouleversements et reconfigurations cela induit-il ?
Cette série d’articles propose de revenir sur l’accompagnement de neuf territoires pilotes par la Fabrique des transitions, dans le cadre du programme Avenir Montagnes Ingénierie (2022-2024) porté par l’ANCT autour des enjeux de transition des territoires de montagne.
À travers un parcours collectif, l’accompagnement vise à favoriser l’émergence de dynamiques de transition multi-acteurs en mobilisant quatre “Fantastiques” par territoire (un élu, un agent de collectivité, un agent de l’Etat et un acteur socio-économique) et en alliant apports de connaissance, diagnostic sensible, échanges entre pairs et aide au cadrage et à l’initialisation d’un projet pilote.
"C'est vraiment au niveau du projet pilote que cela s'est concrétisé"
Située au sud du département de la Savoie, la communauté de communes Maurienne Galibier est composée de 6 communes regroupant 4 500 habitants à l’année. Sa topographie est marquée par trois types d’espaces distincts : dans le fond de vallée, des grands axes de circulation (qui font la liaison avec l’Italie), des carrières et des paysages marqués par une industrialisation passée ; en face nord, deux stations de ski assez hautes en altitude et bien exposées ; à l’adret, une zone préservée des grandes infrastructures, accueillant tourisme doux et exploitations agricoles innovantes.
Comme projet pilote, le territoire a fait le choix de créer une centrale villageoise photovoltaïque, afin d’offrir un terrain consensuel autour duquel habitants et élus pourraient entamer un dialogue et engager les habitants comme parties prenantes dans la construction du futur de leur territoire, en intégrant les enjeux liés au réchauffement climatique.
Alors que les apports de connaissance, la restitution du diagnostic sensible et les échanges entre pairs n’ont pas fait mouche, c’est le projet pilote qui a véritablement embarqué les différents acteurs de la communauté de communes Maurienne Galibier, porté par l’engagement conjoint d’élus, d’agents et d’habitants, en lien avec les représentants de l’Etat territorial.
Pour moi ce qui reste de cet accompagnement, c’est que les 4 “Fantastiques” arrivent à travailler en collaboration. Ce n’est pas un projet uniquement politique, mais aussi porté par les techniciens. — Claire Caudron, cheffe de projet Avenir Montagnes Ingénierie au sein de la communauté de communes Maurienne Galibier.
Nous sommes arrivés à passer outre ces barrières élus, techniciens, Etat. — Isabelle Saintier, élue au sein de la communauté de communes Maurienne Galibier.
La centrale photovoltaïque est en train de se structurer sous la forme d’une SCOP, en s’appuyant sur un noyau dur d’habitants qui s’emparent pleinement du projet : le collectif Solely Brequin.
Ce qu’on trouve vraiment très intéressant, c’est que les décisions prises au sein de la SCOP ne dépendent pas de la communauté de communes. Ça montre aux personnes qu’elles peuvent faire avancer les choses, tout en restant en lien avec les collectivités. La décision ne dépend pas que des politiques. — Claire Caudron, cheffe de projet Avenir Montagnes Ingénierie au sein de la communauté de communes Maurienne Galibier.
J’étais contente qu’on me demande de collaborer. Lors de la première réunion, je ne comprenais pas encore très bien. J’ai appris au fur et à mesure, puis il y a eu un déclic. [...] Ça me satisfait dans mes valeurs, je me dis qu’en tant que citoyenne je peux m’engager dans quelque chose de concret. Ça donne de l'espérance. — Barbara Bolognesi, habitante.
Fragile au départ, la dynamique ne cesse aujourd’hui de se renforcer, que ce soit au sein du territoire ou avec d’autres territoires. En amont du projet, le groupe d’acteurs est allé à la rencontre d’autres centrales villageoises pour s’inspirer. Elle fait désormais appel à des ingénieries complémentaires pour le mettre en œuvre (notamment le projet européen RECROSSES du programme Interreg France-Italie ALCOTRA) et envisage même de nouveaux axes de développement : de nouvelles toitures, voire une centrale photovoltaïque au sol en coopération avec d’autres communes, du conseil aux habitants, des ateliers de sensibilisation…
Aujourd’hui les gens nous interpellent dans la rue, ils nous demandent où ça en est. Ils sont démarchés par beaucoup d’entreprises et ne savent plus vers qui se tourner. C’est important qu’il y ait un appui intercommunal pour choisir les entreprises. — Gaëtan Mancuso, Maire de Saint Michel de Maurienne.
Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une dynamique publique-privée qui peut faire émerger quelque chose de vraiment collectif. — Nicolas Clément, Chef du pôle relations avec les collectivités territoriales de la Sous-Préfecture de Saint-Jean-de-Maurienne.
Par ailleurs, la communauté de commune s’intéresse désormais à la mise en récits : elle a réalisé un premier travail d’entretiens avec des habitants du territoire sur leur perception du changement climatique et a rejoint la communauté apprenante de la Fabrique des transitions à ce sujet.